Mardi 17 juin 2025,l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi « simplification de la vie économique », dont un amendement majeur prévoit la suppression des Zones à Faibles Émissions (ZFE) dans les agglomérations françaises. Avec 275 voix pour et 252 contre, ce vote met un sérieux coup d’arrêt à un dispositif pourtant emblématique des politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air. Si l’objectif affiché des ZFE était de réduire les émissions de particules fines et d’oxydes d’azote, les critiques n’ont cessé de monter depuis leur mise en œuvre, notamment concernant leur impact social et économique. Le débat, lui, est loin d’être clos.
Un vote sous tension au sein d’une majorité fragmentée
L’amendement prévoyant la suppression des ZFE a été intégré à un vaste projet de loi destiné à simplifier le quotidien des entreprises et des collectivités locales. Mais c’est bien cette disposition spécifique qui a cristallisé les tensions dans l’hémicycle. Une coalition inhabituelle s’est formée pour voter le texte : Les Républicains, le Rassemblement National, le MoDem, Horizons et une partie de La France Insoumise ont joint leurs forces face à une majorité présidentielle « Ensemble » divisée et désavouée.
La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a dénoncé une décision précipitée, rappelant que le Conseil d’État avait déjà imposé à la France un calendrier contraignant pour réduire la pollution dans plusieurs métropoles sous peine d’amendes lourdes. Depuis 2022, l’État a déjà été condamné à verser deux astreintes de 10 millions d’euros pour non-respect des normes européennes en matière de qualité de l’air. Le vote de l’Assemblée, bien que symboliquement fort, doit encore passer l’épreuve de la commission mixte paritaire et pourrait susciter un contentieux constitutionnel.
Une réponse à une contestation sociale grandissante
Les ZFE étaient officiellement conçues pour améliorer la qualité de l’air dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants, en limitant la circulation des véhicules les plus polluants, identifiés grâce au système de vignettes Crit’Air allant de 0 (électrique) à 5 (véhicules les plus anciens, essence d’avant 1997 ou diesel d’avant 2001). Pourtant, cette politique environnementale est rapidement devenue impopulaire. Dans certaines métropoles comme Rouen ou Toulouse, de nombreux automobilistes se sont retrouvés interdits de centre-ville malgré l’usage quotidien de véhicules modestes, souvent indispensables pour se rendre au travail ou accomplir des démarches quotidiennes.
De plus, l’obligation de remplacer ces véhicules par des modèles plus récents, même avec des aides gouvernementales comme la prime à la conversion, restait hors de portée pour beaucoup de ménages. Cette fracture sociale a été un moteur puissant de la mobilisation politique contre les ZFE, certains y voyant une « écologie punitive », mal calibrée, qui pénalisait les ruraux et les classes moyennes. Le paradoxe dénoncé par plusieurs élus était criant : interdire une petite citadine diesel Crit’Air 4 tout en autorisant des SUV récents aux émissions parfois supérieures.
Des risques financiers et environnementaux majeurs pour la France
Si la suppression totale des ZFE est confirmée par la suite du processus législatif, la France s’expose à d’importantes sanctions économiques. Bruxelles avait conditionné plusieurs financements européens, notamment dans le cadre du plan « Fit for 55 » et du Pacte Vert, à la mise en œuvre effective des ZFE dans les grandes agglomérations. Selon certaines estimations, c’est environ 3 milliards d’euros d’aides européennes qui pourraient être gelés si Paris renonce officiellement à ce dispositif.
Par ailleurs, au niveau national, les collectivités locales qui avaient anticipé la mise en œuvre des ZFE risquent de se retrouver avec des infrastructures inutiles, comme des systèmes de vidéosurveillance automatique destinés à repérer les véhicules interdits.
Enfin, sur le plan sanitaire, les associations environnementales alertent sur le retour en circulation de près de 2,7 millions de véhicules anciens, contribuant au maintien de niveaux élevés de particules fines et d’oxydes d’azote dans des métropoles déjà fragilisées. Selon Santé Publique France, la pollution atmosphérique est responsable d’environ 40 000 décès prématurés chaque année dans le pays. La bataille autour des ZFE, loin de se limiter aux débats politiques, s’inscrit donc dans un affrontement plus large entre impératifs environnementaux, réalités sociales et contraintes économiques.











